Illumination
“Lorsque vous avez écrit quelque chose qui vous semble important, ne serait-ce que trois phrases, celles-ci continuent à vivre à travers vos pensées, et sans que vous le sachiez, elles vous transmettent leur découverte ; il me semble parfois que c’est elles, sur un plan très secret, qui vivent à notre place, nous épargnant ainsi la peine de trouver une solution à nos vies : les phrases existent ; quant à nous, peu importe.”
Yannick Haenel, Tiens ferme ta couronne
Incarnation
Un 13 avril 2024 – X.
Parfois, rarement, très rarement mais avec certitude je sens que je suis plus heureux que je ne peux physiquement l’être : pas seulement intensément présent à l’intérieur et pleinement présent jusqu’aux limites, mais débordé, surnuméraire, en fusion avec l’air la route l’arbre les gens le soleil du matin même un agent de police et un train strident, expérience mystique de l’existence de l’âme, sans prière, sans dieu, juste dans une extase qui semble tenir de la magie, d’une drogue nouvelle, d’un sommeil trop court. Mais ce n’est rien de ces causes-là. Car maintenant exactement maintenant je suis au contraire bien clairvoyant, présent et éveillé. Et je vois que ce n’est rien de cela, je vois je sens je sais que c’est la forme que prend une âme trempée complètement trempée de sueur, déchargée partagée exquise, une âme fontaine de chaleur liquide, un moment si longtemps et amoureusement rempli de mouille, de baisers et d’envies crues douces fortes légères tendues affalées parlantes muettes – et criant râlant dormant enlacés – que brusquement relâché dans la rue tout s’y confie à toi, s’y accorde, s’y plonge, tout fait corps avec toi, un moment si longtemps et amoureusement rempli de mouille, de baisers et d’envie que brusquement brièvement mais complètement tu touches à l’infini.